L'attentat à Memphis au Tennessee
«Le Pasteur Martin Luther King, Prix Nobel de la Paix et l'un des chefs de file noirs des mouvements pour les droits civiques aux États-Unis, a été tué d'un coup de feu aujourd'hui à Memphis, vers 18 heures (locales), alors qu'il se trouvait au balcon de sa chambre d'hôtel», peut-on lire dans Le Figaro du 5 avril 1968. Le quotidien, reprenant les dépêches d'agences de la veille, précise que «La police a déclaré que le pasteur avait été atteint à la tête et admis immédiatement dans un hôpital». Concernant l'auteur du crime il est indiqué que «des voitures-radio parcourent le centre de la ville en donnant le signalement d'un jeune blanc qui a pris la fuite aussitôt après l'attentat en laissant tomber une arme.»
L'édition du journal des 6 et 7 avril donne davantage d'informations sur
le drame. On y apprend que la balle -provenant d'un «fusil Remington»,
équipé d'une lunette télescopique- qui a abattu Martin Luther King «a
été tiré du deuxième étage d'un hôtel situé face au “motel” Lorraine sur
Mulberry Street, où habitait le leader noir depuis la veille». Les
seuls témoins semblent être deux pasteurs qui attendaient la victime en
bas de l'hôtel pour aller dîner ensemble. Ainsi le révérend Jesse
Jackson rapporte: «King était au balcon du premier étage du motel. Il
venait de se baisser pour nous parler. S'il était resté debout, il n'aurait pas été touché au visage.»
Le pasteur Ben Branch ajoute: «Lorsque j'ai levé les yeux, la police et
les shérifs adjoints couraient tout autour. La balle avait atteint
Luther King en plein visage. Nous n'avons pas eu besoin d'appeler les
policiers, il y en avait partout.» Le mourant est transporté en
ambulance à l'hôpital St Joseph un quart d'heure plus tard. Et selon la
déclaration du chef des services d'urgences il «est décédé à 19 heures des suites d'une blessure par arme à feu dans le cou, à la base du cou.»
Le chef d'«une armée non-violente»
L'occupant de la funeste chambre 306, est venu à Memphis pour soutenir les éboueurs noirs, en grève depuis le 12 février. Et appuyer leurs revendications -la reconnaissance de leur syndicat par les autorités municipales- en organisant une marche.» LIRE AUSSI - Ségrégation et discriminations aux États-Unis dans les années 60
Ensuite les activités de la S.C.L.C se sont étendues «à l'échelle nationale pour prêcher l'intégration et la participation à part entière des Noirs dans la vie américaine.» Le journal rappelle également que les formes de protestation adoptées par le mouvement du pasteur sont: les manifestations sur une grande échelle, les marches (comme celle de Selma) et les boycottages non-violents.
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I have a dream: un rêve pour «son peuple»
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Un homme contesté par les leaders noirs extrémistes
La modération de Martin Luther King, ainsi que ses qualités d'organisateur, en font un interlocuteur valable pour la Maison-Blanche. Au moment des événements de Memphis, il soutient un projet de loi, demandant un certain nombre de mesures élémentaires telles qu'une modeste allocation familiale pour chaque enfant mineur, où la création de trois millions d'emplois spéciaux pour les travailleurs non qualifiés.» LIRE AUSSI - Malcolm X, l'apôtre de la violence
Martin Luther King sait que sa vie est menacée: «Si le prix à payer pour débarrasser les États-Unis de l'injustice et des préjugés est ma mort, je suis prêt à le payer». Il connaît plusieurs tentatives d'assassinat orchestrées par des membres des deux communautés -blanche et noire. En 1968 son leadership commence à s'éroder.
Sa mort provoque des explosions de violence dans le pays
Au moment de sa mort le prédicateur chrétien est en effet sur le point d'être dépassé par ses propres troupes. Les dernières émeutes noires -Watts, Harlem, Detroit etc.- ont éclaté à son insu, indique Le Figaro dans son édition du 6 avril. Néanmoins, pour de nombreux Américains, sa disparition est une catastrophe: son influence bienfaisante est une perte pour le pays.Malgré plusieurs appels au calme -dont ceux du Président Johnson et de Robert Kennedy-, des violences éclatent dans les villes d'un bout à l'autre du pays (Washington, Chicago, Baltimore, Pittsburgh, New York…): pillages et saccages de magasins, incendies volontaires. Le Figaro du 8 avril donne un bilan provisoire: trente morts, des milliers de blessés et des milliers d'arrestations. En définitive les émeutes raciales sont moins meurtrières que celles de l'été précédent.
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Un condamné qui nie, la commission d'enquête qui parle de complot...
Le 11 mars 1969 Le Figaro évoque le procès de l'assassin, un délinquant récidiviste blanc: «Après un procès qui a duré moins de trois heures et demie, James Earl Ray a été condamné à quatre-vingt-dix-neuf ans de prison, pour le meurtre du pasteur Martin Luther King.» L'accusé a plaidé coupable dès l'ouverture du procès en échange de la vie sauve. Le juge Preston Battle réaffirme «que ni la défense ni l'accusation n'avaient fourni de preuve permettant d'établir qu'il s'agissait d'un complot». Précisant que si cette thèse devait se révéler vraie, l'État engagerait des poursuites. Ray, lui, précise lors de l'audience «qu'il n'était pas d'accord avec la théorie selon laquelle il n'y avait pas eu de complot.» Après avoir avoué le crime dans un premier temps, il se rétracte ensuite, affirmant avoir conclu un arrangement sous la pression.Des obsèques d'une grande ampleur rappelant celle de John F. Kennedy
Le 9 avril 1968, «cent mille personnes rendent un dernier hommage» au leader noir assassiné lors de ses obsèques, à Atlanta-sa ville natale- «dans une atmosphère d'extraordinaire ferveur» constate l'envoyé spécial du Figaro. Il précise que «le plus frappant était sans doute la dignité, le calme et la discipline de cette immense foule. Pourtant la manifestation a duré près de neuf heures.» Le corps du défunt «placé sur une charrette de paysan, traînée par deux mules, est transporté à travers les rues d'Atlanta vers le Campus de l'Université ou le pasteur fit ses études.»Au cours du service funèbre des extraits enregistrés sur magnétophone d'un des derniers semons prononcés par le pasteur sont diffusés. Il y évoquait sa mort qu'il devinait prochaine et faisait quelques recommandations à ses paroissiens: «Dites, le jour de mes funérailles que Martin Luther King Jr s'est efforcé de faire don de sa vie… Qu'il a essayé de donner de l'amour...Dites que j'ai essayé d'aimer et de servir l'humanité.»
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