Il avait habillé
Jackie Kennedy, Grace Kelly, Brigitte Bardot ou encore Audrey Hepburn,
sa muse, qui plus que toute autre, a incarné, à l'écran comme à la
ville, son style, élégant et discrètement fantaisiste. Samedi, le
couturier Hubert de Givenchy s'est éteint dans son sommeil. Il avait 91
ans.
Né à Beauvais, en février 1927, Hubert
James Taffin de Givenchy, fils de marquis, fut orphelin de père dès
l'âge de deux ans. L'enfant a grandi auprès de sa famille maternelle
dans le Beauvaisis, une terre à laquelle il est resté très attaché, et
qui abrite toujours l'usine de parfums qu'il avait bâtie en 1957.
Ce
« géant » en blouse de lin blanc, disait tenir le goût des tissus de
son grand-père maternel, administrateur des manufactures de tapisseries
des Gobelins et de Beauvais. « Le placard était rempli de balluchons
d'échantillons de tissus, de broderies... Si je travaillais bien à
l'école, on me laissait toucher les étoffes », avait confié le couturier, l'an dernier, à « Paris-Match ».
Couturier à 17 ans
Le
jeune Hubert dessine très tôt des silhouettes de mode, suit des cours
aux Beaux-Arts, et à 17 ans, en 1945, fait ses premiers pas de
couturier, chez Jacques Fath. Puis, il entre chez Elsa Schiaparelli, l'autre grande dame de la couture avec Coco Chanel. Et en 1952, il fonde sa maison de couture. Son rêve. Avant même d'avoir 25 ans.
En rupture avec les tenues corsetées de
l'époque, sa première collection, baptisée les « Séparables » et
constituée de pièces distinctes susceptibles d'être combinées de
diverses manières, remporte un vif succès. Deux ans plus tard, Hubert de
Givenchy sera le premier créateur à lancer une ligne de prêt-à-porter
de luxe. Une robe doit « embellir la femme qui la porte et non la déguiser »,
soulignait cet homme d'une extrême courtoisie, mais affranchi, et
audacieux, au point, par exemple de dénoncer le racisme dans la
mode. Dernièrement, il avait confié à la presse avoir « à coeur le problème des migrants ». Or, disait-il, « il ne peut y avoir de bonheur sans humanité ».
Balenciaga, l'architecte
En
1953, sa rencontre avec l'espagnol Cristóbal Balenciaga, qu'il admire
depuis l'enfance et avec qui il noue des liens d'amitié, est cruciale : « Balenciaga, c'était l'architecture, le génie, la beauté à l'état pur. Il m'a tout appris », déclarait Hubert de Givenchy, qui partageait avec son « maître » le goût de la rigueur et de l'épure.
Mais
l'année 1953 marque aussi le début de 40 ans de complicité avec
l'actrice Audrey Hepburn. La star hollywoodienne lui a procuré une
clientèle Outre-Atlantique. « Je suis attachée à Givenchy comme les Américaines à leur psychiatre », plaisantait-elle. Avec cet « ange aux yeux de biche, le travail devenait un acte de joie, estimait, de son côté, le couturier. Elle apportait aux vêtements la grâce qu'elle avait en elle ».
En 2006, la célèbre robe noire que portait l'actrice dans « Breakfast
at Tiffany's » s'est vendue chez Christie's à Londres pour
467.200 livres.
Rigueur et travail
Hubert de Givenchy, par ailleurs passionné de décoration et grand collectionneur d'art , se laissait inspirer par Miró, de Staël, Delaunay ou Rothko comme par les fastes du XVIIIe siècle, et résumait sa ligne de conduite à « de la rigueur, pas de choses inutiles et beaucoup de travail ».
En 1988, il vend sa maison de couture à
LVMH, (propriétaire des « Echos »), mais en reste le directeur
artistique jusqu'en 1995. Cet été-là, il présente sa dernière collection
de haute couture, dédiée à son personnel, en présence de grands noms de
la mode : Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Jean-Louis Scherrer,
Kenzo, Paco Rabanne, Valentino... Quelques mois plus tard, son ultime
collection de prêt-à-porter, accueillie par une ovation, met un point
final à sa carrière de couturier.
Un don à l'Unicef
Lundi, la maison Givenchy a salué une « personnalité
incontournable du monde de la haute couture française, symbole de
l'élégance parisienne pendant plus d'un demi-siècle. Aujourd'hui encore,
son approche de la mode et son influence perdurent ». De son côté, Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, a déclaré : « Tant
dans les robes longues de prestige que dans les tenues de jour, Hubert
de Givenchy a su réunir deux qualités rares : être novateur et
intemporel ».
Hubert de Givenchy était aussi un homme généreux. « En lieu de fleurs et couronnes, Monsieur de Givenchy aurait préféré un don à l'Unicef », a écrit son compagnon Philippe Venet, lui aussi, couturier, dans le communiqué annonçant son décès.
Laurance N'Kaoua
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/0301427561815-hubert-de-givenchy-est-mort-2160446.php#OFPcy1CDjWRLY5KP.99
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire